Incitations et
garanties dans les contrats de PPP
Quelques éléments sur l'impact des garanties publiques et du plafonnement des clauses de pénalités sur le caractère incitatif des contrats de partenariats public-privé
La principale limite au recours
aux PPP tient au surcoût du financement privé par rapport au financement
public. Par exemple, en 2011, sous l’impact de la crise financière, le recours
aux PFI se traduisait par un taux moyen sur la dette projet de 8% soit près de
deux fois le taux sans risque (i.e. celui de la dette souveraine britannique).
Ce faisant, le coût pour le contribuable d’un milliard de £ financé sous forme
de PFI revenait in fine aussi cher
que 1,7 milliard de dette publique (House of Commons Select Treasury Committee,
2011). Le surcoût du financement privé pouvait être relativement aisément
maîtrisé avant la crise (ramené en moyenne à 70 bp) en jouant sur l’effet de
levier financier entre dettes et fonds propres et en recourant à des instruments financiers
permettant de garantir le paiement de la dette souscrite par la société projet.
En effet, la dette n’est pas directement levée par les sponsors qui ont formé
le consortium qui a répondu à l’appel d’offres mais par une société ad hoc créée pour l’occasion et qui n’a
pas vocation à avoir d’autres activités que celle relative au contrat de PPP en
question. Il s’agit donc d’un montage de financement sur projet dit sans
recours. Les prêteurs n’ont d’autre garantie pour leur remboursement que les flux
de ressources dégagés par le contrat.
Ainsi, le risque joue-t-il un
rôle déterminant dans l’économie du contrat de PPP. Son transfert est la
condition sine qua non pour
satisfaire au critère de la value for
money et dans le même temps plus forte est la part des risques transférée
au privé, plus forte sera la prime de risque exigée des prêteurs et donc plus
élevé sera le coût du financement. Nous observons donc un relatif antagonisme
entre les deux objectifs de value for
money et d’affordability. La
réussite du contrat de partenariat passe donc par l’allocation optimale des
risques entre les deux parties en d’autres termes par l’allocation de chaque
risque à la partie qui est la plus à même de le gérer au moindre coût.
Ce risque peut être découpé entre
risque spécifique au projet et risque systémique.
Le risque projet fait l’objet
d’une évaluation par les prêteurs au travers du processus de due dilligence. Le risque supporté sera
d’autant plus jugé élevé que la prestation du contrat met en jeu des solutions techniques
innovantes, mobilise des investissements significatifs (cas des projets de
construction)… et que le contrat se comporte comme un contrat à prix
forfaitaire. Il s’agit en effet de considérer que si l’acquisition et la
gestion publique traditionnelles se comportent comme des contrats à
remboursements de coûts (peu risqués et faiblement incitatifs), la formule de
prix ferme associée au PPP fait de lui un contrat de type forfaitaire,
suscitant bien plus d’incitations à l’efficacité et à la réduction des coûts
mais faisant courir bien plus de risques pour le prestataire privé (Laffont et
Tirole, 1993). L’objet du contrat de PPP n’est pas de compenser les coûts du
prestataire et de lui garantir une marge raisonnable sur les capitaux investis
mais d’offrir à la personne publique les avantages d’un paiement relativement
stable et prévisible dans le temps (modulo
les indispensables renégociations tenant à l’incomplétude du contrat, voir
Beuve et al., 2011). Le prestataire privé fait donc face à deux types de
risques quant au remboursement de sa dette. Un premier tient à l’absorption des
chocs financiers liés aux retards dans la mise en service (si on suppose que
les paiements sont déclenchés à ce moment) et aux éventuels surcoûts de
construction et d’exploitation. Plus les risques transférés sont nombreux plus
la probabilité de tels chocs est importante. Un second type de risque tient au
caractère incitatif même des clauses contractuelles. Plus le contrat prévoit
des clauses de pénalités s’élevant à une part significative des flux de
paiements de la personne publique (et plus les risques transférés sont
considérés comme ayant une forte probabilité d’occurrence, plus la personne
publique est crédible quant à ses possibilités d’activer effectivement les
clauses en question), plus forte sera l’appréhension du risque de défaut de la
société projet et donc la prime de risque exigée par les prêteurs.
Le second ensemble de facteur
affectant le surcoût du financement privé est relié au risque systémique. Plus
l’aversion au risque des prêteurs est forte, moins les marchés sont liquides
(et plus les ratios de solvabilité financière induisent un renchérissement du
coût des ressources bancaires), plus le surcoût du financement privé vis-à-vis
de la dette publique sera fort. C’est pour cela que le surcoût de la dette
projet dans les PPP vis-à-vis de la dette publique a pu atteindre 250 bp dans
le cas français (Dupas et al., 2012) voire conduire à un coût deux fois
supérieur comme noté par le House of Commons Treasury Select Committee (2011).
Si la personne publique souhaite
continuer à employer des PPP, le risque est qu’un transfert de risque de même
ampleur que précédemment se paie par un coût financier significativement plus
élevé de nature à mettre en péril la soutenabilité budgétaire des engagements
pris (affordability). Une première
réponse peut être apportée dans des transformations opérées dans la nature même
des projets de PPP financés. Des montages pour lesquels les ressources viennent
des usagers peuvent s’effacer au profit de montages dans lesquels les paiements
sont déterminés en fonction de la disponibilité du service (cas de nombreux
tronçons d’autoroutes dans la péninsule ibérique). Les projets peuvent voir
leur périmètre redéfini pour nécessiter de moindres investissements initiaux et
/ou des durées de financement plus réduites (Cuttaree et Mandri-Perrot, 2010).
Enfin, si nous prenions le secteur de l’immobilier, les contrats de
construction / exploitation cèdent de plus en plus le pas à des contrats de
rénovation / maintenance et exploitation, comme le montrent les contrats de
performance énergétique (Chong et al., 2012). En d’autres termes, les contrats
de type greenfield projects se voient
substituer des montages de type brownfield
projects.
Cependant ces mesures de
réduction du risque d’incident de paiement sur le remboursement de la dette de
la société projet peuvent être complétées par des aménagements apportés aux
clauses contractuelles par rapport à celles appliquées dans les contrats avant
crise. Cela peut par exemple passer par la limitation sinon le plafonnement des
pénalités financières prévues dans le contrat en cas de sous performance.
L’objectif en limitant ces dernières est de garantir aux prêteurs que la
société disposera toujours de suffisamment de ressources tirées de son
exploitation pour faire face au service de sa dette. Si le risque de défaut est
drastiquement limité sinon annulé alors la prime de risque exigée s’abaissera
considérablement –potentiellement à celle correspondant au niveau de la note de
crédit de la collectivité concernée – limitant ipso facto le surcoût du financement privé. Cependant, la qualité
de la structure incitative produite par le contrat en est d’autant affectée.
Cependant, l’effet incitatif du
contrat peut être affecté par d’autres moyens que celui du plafonnement du
montant des pénalités. Il suffit que la personne publique apporte des garanties
quant au service de la dette ou sur un montant de revenu minimal assuré à la
société projet. L’effet pour les préteurs sera identiquement de réduire la
prime de risque exigée. En effet, peu leur importe que cela soit la société
projet ou une entité publique qui garantisse le remboursement des prêts
accordés. La prime de risque exigée sera réduite et donc le surcoût du
financement privé limité. Cependant la personne publique fait face à un
ensemble de difficultés susceptibles de mettre en cause l’efficacité
microéconomique du contrat de PPP.
Premièrement le montage n’est
plus un montage sans recours. Les sponsors privés apportent de plus en plus
leur garantie et le contractant public fait de même. Ce faisant, l’alignement
contractuel des intérêts entre financeurs et contractant public n’est plus
acquis. Précédemment, la société projet n’était en mesure de faire face au
service de sa dette que si et seulement si elle parvenait à satisfaire à ses
obligations contractuelles. Les financeurs étaient d’autant plus incités à
s’assurer du réalisme des engagements pris par celle-ci (anti-sélection) et de ses
efforts tout au long de l’exploitation (aléa moral) que le remboursement des
emprunts souscrits en dépendait. Ainsi, la personne publique pouvait-elle dans
une certaine mesure externaliser les coûts de due dilligence et de monitoring
sur les financeurs (Marty et Voisin, 2008).
Deuxièmement, si une garantie est
fournie sur le remboursement de la dette, le contrat de PPP s’éloigne de
l’idéal du contrat à prix forfaitaire et se rapproche au moins partiellement de
la logique d’un contrat à remboursement de coûts dont les qualités incitatives
sont naturellement plus faibles.
Troisièmement, ce type de
garanties (auquel on pourrait ajouter les cessions de créances acceptées de
type Dailly) est de nature à vider de leur sens – et donc à annuler l’effet
incitatif – de toutes les clauses de pénalités. En effet, même si ces clauses
sont déplafonnées, même si elles s’avèrent équivalentes voire plus drastiques
que celles appliquées avant la crise, elles n’auront aucun effet incitatif
effectif si le contractant privé jouit d’une certitude quant à un niveau donné
de rémunération ou quant à sa capacité de faire face à ses échéances de
remboursements et ce quelles que soient ses performances effectives. Le
contractant privé à l’abri du risque de faillite n’est pas plus incité à faire
preuve d’efficacité que son homologue public (modulo bien entendu le coût réputationnel encouru) dès lors qu’il
fait face à une contrainte budgétaire
molle (Kornaï et al., 2003).
Beuve J.,
de Brux J. and Saussier S., (2011), « Renegotiations and Contract Renewals
in Public Private Agreements. An Empirical Analysis, EPPP Discussion Papers, n°2011-04, September, 35p.
Chong E., Le Lannier A. et Staropoli C., (2012), Les conditions d’efficacité des contrats de
performance énergétique en France, Rapport pour le Conseil Français de
l’Energie, juillet, 212p.
Cuttaree V. and Mandri-Perrott C., (2010), Public-Private Partnerships in Europe and
Central Asia – Designing Crisis-Resilient Strategies and Bankable Projects,
World Bank, 140p.
Dupas N., Gaubert A., Marty F. et
Voisin A., (2012), « D’une crise à l’autre : quels enseignements de
la crise de 2008 pour les partenariats public-privé ? », Gestion et Finances Publiques, n°1,
janvier, pp.51-59.
House of Commons Treasury Select Committee,
(2011), Private Finance Initiative,
17th Report, Session 2010-12, HC 1146, August.
Kornai J., Maskin E.
et Roland G,. (2003),
“Understanding the Soft Budget Constraint”, Journal
of Economic Literature, volume 41, pp. 1095-1136.
Laffont J.-J. and Tirole J., (1993), A Theory of Incentives in Procurement and
Regulation, MIT Press.
Marty F. and Voisin A., (2008), “Partnership
contracts and information asymmetries: from competition for the contract to
competition within the contract?”, Document de travail OFCE, n°
2008-06, février, 29p.
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