Communication interne au sein de la Délégation Régionale Côte d'Azur du CNRS dans le cadre de son "12-45" dans le contexte de la Loi Macron : "La concurrence profite-t-elle au consommateur?", le 23 avril 2015
1 – Introduction : une politique dont
les effets pro-consommateurs constituent la finalité même
a) Le but affiché
de la politique de concurrence actuelle, qui se définit comme se rattachant à
une approche économique ou approche par les effets, est de maximiser le
bien-être du consommateur
b) Dans ce
cadre, une pratique anticoncurrentielle se définit comme une pratique dont
l’effet net pour le consommateur est négatif
Cet effet se mesure au travers
de la balance du dommage concurrentiel (renforcement du pouvoir de marché de
l’entreprise i.e. capacité à accroître unilatéralement son prix) et des gains
d’efficience lié à la pratique.
Il convient de remarquer qu’il
n’y a nulle trace de qualification juridique des pratiques dans ce cadre.
Ce qui fait la licéité d’une pratique de marché pour le droit de la
concurrence, c’est son effet économique
c) Une
vision qui ne fait pas consensus
Cette approche économique est
sous-tendue par une notion de compensation hypothétique. Rien ne dit que
la firme, dont le pouvoir de marché s’est renforcé, fera bénéficier les
consommateurs des gains d’efficience.
De fait le critère est plus celui
d’une maximisation du bien-être total que celui du consommateur.
Le critère vient des travaux de
l’école de Chicago développés au lendemain du second conflit mondial.
-
Il s’agissait de rompre avec la pratique
décisionnelle d’alors (fonctionnement raisonnable de la concurrence, place des
PME etc…) et de subsister un critère clair, neutre et opposable aux tiers aux
valeurs diverses, contradictoires et difficiles à pondérer qu’utilisaient les
juges.
-
Seule l’efficacité économique compte, la question
de la répartition (i.e. du Bien-Etre) entre consommateur et producteur ne
compte pas
o
La politique de concurrence n’a pas à se
préoccuper de répartition ou en d’autres termes de transferts indus de
bien-être entre les agents
o
La répartition n’a aucune influence sur
l’efficacité économique (cf. débat autour de Piketty)
Cette intervention vise à mettre
en lumière les fondements de cette hypothèse d’une politique de concurrence
toujours favorable au consommateur. Le développement se fera en quatre parties.
Une première partie présentera
les politiques de concurrence et les contestations dont elles pu faire l’objet
dans le temps long historique.
Une deuxième partie s’attachera
aux gains que peut légitimement attendre le consommateur de la politique de
concurrence.
Une troisième partie présentera
les conséquences qui peuvent s’avérer négatives pour ce dernier.
Une quatrième partie analysera
les conséquences possibles d’une ouverture croissante de certains secteurs à la
concurrence en s’appuyant notamment sur quelques exemples tirés de la Loi
Macron, actuellement en discussion au Sénat et du récent rapport de
l’Inspection Générale des Finances sur les professions réglementées.
2 – La politique de concurrence est
cependant une politique publique des plus contestées
a) Une construction
historique récente
L’intuition était déjà présente chez
Adam Smith (La Richesse des Nations – 1776).
La première mise en œuvre est à
chercher aux Etats-Unis en 1890 avec le Sherman Act (lutte contre les trusts et les comportements de monopolization).
Sa mise en place ne fut que très
progressive sur le continent européen.
-
Un refus initial des politiques de concurrence
Selon la Cour Suprême allemande en
1897, les cartels sont légitimes car ils sont fondés sur la liberté
contractuelle des firmes.
Selon la Chambre des Lords en 1892 dans
l’affaire Mogul Steamships, une stratégie de de prix d’éviction, n’induit pas
de dommage pour le consommateur et n’a pas à être sanctionnée.
Cet exemple reflète toute
l’ambiguïté de la politique de la concurrence. Si une entreprise est plus
efficace que ses concurrentes et qu’elle fait bénéficier les consommateurs de
ses gains, elle baisse ses prix et peut susciter la sortie du marché de
concurrents moins efficaces. Elle obtient ainsi un pouvoir de monopole. Doit-on
sanctionner une firme qui attend cette situation par ses seuls mérites en
considérant que le dommage à la concurrence sera irréversible ? Doit-on au
contraire sanctionner une firme si la baisse des prix n’est qu’une stratégie
transitoire pour faire sortir les concurrents du marché et les remonter
ensuite ? Il s’agit ici de la stratégie de prédation qui peut se définir
comme un investissement en pouvoir de marché. La difficulté est de dirimer
entre les deux situations et d’éviter de sanctionner à tort les firmes qui ont
joué le jeu de la concurrence. Il s’agit de l’argument chicagoéen du faux
positif. Il synthétise la formule de Coase (1972) selon laquelle quand une
firme baisse ses prix par rapport à son concurrent, elle peut être accusée de prédation,
quand elle les augmente d’abus d’exploitation vis-à-vis des consommateurs et
quand elle les maintient au même niveau de pratiques de collusion.
-
Une mise en place très progressive
Les origines du droit de la
concurrence européen sont moins à rechercher dans les exigences des Etats-Unis
quant au bon usage des fonds débloqués au titre du Plan Marshall que dans deux
lois allemandes sur la concurrence, la première en 1923 édictée par la
République de Weimar et la seconde en 1957 en RFA.
Au niveau de l’Union, la
politique de la concurrence est liée à deux articles (vagues) du Traité de Rome
(1957) et surtout à l’activisme de la Commission et surtout de la Cour de
Justice qui se sont saisies de ce levier pour construire le marché intérieur.
Il convient cependant d’insister
sur l’existence de législations incomplètes aux Pays-Bas et au Royaume-Uni
jusque dans les années 90.
b) Une
politique souvent contestée et remise en cause
a.
Aux Etats-Unis
Dès l’origine du Sherman Act,
les économistes américains critiquèrent les présupposés de la politique de
concurrence. Pour ces derniers il s’agissait d’une économie de tableau noir. La
concentration était vue par ces derniers comme la base de l’efficacité économique.
S’ajoutait à ceci une forte méfiance vis-à-vis du rôle des tribunaux.
L’expérience de la crise des
années 30 avec les arguments du premier New Deal en faveur d’une
concurrence régulée et le NIRA (National
Industry Recovery Administration) de 1933 à 1937 témoigne des espoirs et de
l’impasse d’une mise entre parenthèses de la politique de concurrence, laquelle
a bénéficié aux firmes et non aux consommateurs
b.
Les débats nés lors de la crise de 2008
i.
Le Traité Constitutionnel de 2005 et les débats
quant à la place de la concurrence libre et non faussée annonçaient les
contestations futures de la légitimité et de l’efficacité de la politique de
concurrence.
ii.
Crise de 2008 donna lieu à une vive critique de
la politique de concurrence
De premiers arguments portèrent
sur la nécessité de relâcher les exigences concurrentielles (notion notamment
de cartel de crise faisant quelques échos à l’expérience du NIRA).
La concurrence fut également
désignée comme l’un des responsables de la crise (cf. secteur bancaire :
dérégulation et incitations à la prise de risque)
La concurrence fut également
critiquée en ce qu’elle constituerait une anti-politique industrielle conduisant
à l’affaiblissement du tissu industriel européen (parallèle avec les Etats-Unis
dans les années 70).
Enfin et surtout, les firmes
dénoncèrent le caractère disproportionné des sanctions pour les firmes. Les
arguments de la faillite possible de la firme sanctionnée et du coût économique
du faux positif furent mis en avant : la politique de concurrence érigée
en dogme irait à l’encontre des intérêts du consommateur.
3 – Une politique a priori toujours favorable au consommateur : les arguments
économiques
a) Transfert
de bien-être entre les agents : confiscation du surplus du consommateur
L’absence ou l’insuffisance de
concurrence se traduit par des pouvoirs de marché privés qui conduisent à
l’extraction d’une rente indue au détriment des consommateurs. Il s’agit donc
de la capacité à fixer les prix au-delà du niveau concurrentiel et donc d’opérer
un transfert de bien-être au détriment des agents dépourvus de pouvoir de
marché, i.e. dépourvus de solutions alternatives. De façon brutale nous
pourrions dire que le monopole ou le cartel revient à ce que des pouvoirs
économiques privés soient en mesure de prélever une taxe sur les consommateurs.
Si l’on considère que la répartition du bien-être a un impact sur le potentiel
de croissance d’une économie, alors ces transferts peuvent être de nature à
porter préjudice à celle-ci.
b) Perte
sèche par rapport à l’équilibre de concurrence pure et parfaite
Il serait également possible de
considérer d’un point de vue strictement microéconomique que l’exercice d’un
pouvoir de marché engendre une perte sèche de bien-être pour l’économie dans
son ensemble. En effet, de façon schématique, un prix d’équilibre plus élevé
que le prix de concurrence parfaite se traduit par de moindres quantités
échangées à l’équilibre.
c) Le coût
incitatif : les inefficiences dynamiques
Au-delà de ces conséquences
dommageables à court terme (i.e. les effets redistributifs et la perte sèche de
bien-être), l’absence de pression concurrentielle liée à l’existence d’un
cartel ou d’une dominance individuelle exercée de manière abusive se traduit
par un amoindrissement des incitations à investir et à innover. Il s’agit en
d’autres termes d’une inefficience dynamique. L’économiste anglais John Hicks
écrivait dès 1935 que le principal gain du monopole n’était pas de pouvoir
placer ses prix de façon durable au-dessus du niveau concurrentiel mais de bénéficier
d’une vie paisible (quiet life).
En d’autres termes, le caractère
éminemment transitoire, instable et précaire de la position dominante dans un
marché concurrentiel laisse la place à un environnement maîtrisé. L’entreprise
n’a nul besoin d’investir et de prendre des risques. Le consommateur y perd
inexorablement en termes d’offre de nouveaux biens et services. Le secteur des
logiciels est pleinement représentatif de ces dynamiques (voir l’évolution du
pouvoir de marché de Microsoft entre la fin des années quatre-vingt-dix et le
début des années deux mille). Il en va de même pour celui du secteur aérien. La
libéralisation du ciel européen a permis – comme quelques années auparavant aux
Etats-Unis – l’émergence de compagnies à bas coûts qui proposent aux clients de
nouvelles dessertes et offrent des prix permettant de démocratiser l’accès au
transport aérien.
Nous pourrions donc dire en
première approximation que la concurrence profite par définition au
consommateur et constitue somme toute l’équivalent de la démocratie dans la
sphère économique. La démocratie est l’outil de la dispersion du pouvoir dans
la sphère politique, la concurrence l’est dans la sphère économique.
Qui plus est la politique de
concurrence permet également que les opportunités des PME soient préservées –
par exemple en matière d’accès aux marchés – et dans une certaine mesure de
sanctionner les abus de dépendance économique qui peuvent découler de la dissymétrie
des pouvoirs de marché.
4 – De possibles effets négatifs pour le
consommateur à prendre en considération
a) Diversité
de l’offre et différenciation des besoins du consommateur
Premièrement, la finalité de la
concurrence est souvent réduite à la seule efficacité allocative de court
terme. Il s’agit du critère du bien-être du consommateur qui se réduit à la
dimension du prix. Or, le consommateur peut avoir intérêt à la préservation
d’une diversité de choix. En d’autres termes même si une entreprise est plus
efficace que sa concurrente, la sortie du marché peut induire un double
préjudice pour le consommateur. Premièrement, il perd la possibilité d’adresser
sa demande à un offreur alternatif qui pourrait offrir des biens et services
différenciés, soit de meilleure qualité, soit dont les caractéristiques sont
plus adaptées à ses besoins.
b) Pluralisme
de l’offre
Deuxièmement, une concurrence
qui se traduit par l’éviction d’offreurs même « moins performants »
peut s’avérer préjudiciables dans certains secteurs, notamment en ce qui
concerne les médias. Il existe un intérêt collectif, allant au-delà de la
maximisation du bien-être, qui tient à la préservation d’une pluralité des
sources d’information.
c) L’argument
de la concurrence potentielle
Troisièmement, si la firme
dominante évince du marché sa concurrente, elle ne sera plus incitée à innover
et n’aura à terme aucune raison de ne pas abuser de sa dominance en augmentant
ses prix. Ainsi, dans une certaine mesure protéger le processus de concurrence
sur le long terme peut conduire à protéger les concurrents et non la
concurrence conçue comme la minimisation du prix payé à court terme. Même si le
marché est dépourvu de barrières à l’entrée, la concurrence d’une firme
immédiatement présente et devant s’assurer un minimum de chiffre d’affaires est
toujours plus forte que celle d’une firme qui devra d’abord investir puis
pénétrer le marché.
d) Question
de l’irréversibilité de la dominance
La dominance peut devenir
irréversible si le secteur se caractérise par des rendements croissants et de
forts effets de réseau comme cela peut s’observer sur le marché des plateformes
d’intermédiation électronique.
e) Effets
adverses potentiels de la concurrence sur la qualité du service
Quatrièmement, comme l’a montré
le débat sur les professions réglementées dans le cadre de la loi Macron,
encourager la concurrence sous la forme d’une libéralisation des conditions
d’entrée dans une profession peut avoir certains effets négatifs sur le
consommateur dont il convient de mesurer les conséquences potentielles. En
effet, il existe de nombreuses activités pour lesquelles la qualité du service
proposé n’est pas observable ex ante
et est même souvent difficile à évaluer ex post. Il en est ainsi pour certaines
professions juridiques (par exemple les avocats) ou médicales. La
dérèglementation des professions concernées peut avoir des effets négatifs sur
la qualité du service rendu au client. Le risque est celui d’un alignement vers
le bas de la qualité des services prestés qui portera inexorablement préjudice
au consommateur.
Cette possible relation entre
degré de concurrence et qualité du service peut être transposée à d’autres
secteurs, notamment dans les industries de réseaux et les infrastructures
publiques. Favoriser l’entrée de nouveaux concurrents peut réduire les capacités
financières de certains groupes à investir dans la qualité et la sécurité de
leur réseau. De la même façon, libéraliser la commercialisation de médicaments
non soumis à prescription médicale sans garde-fou peut se traduire par des
comportements de surconsommation ou de mauvais usages de certains principes
thérapeutiques pouvant s’avérer particulièrement coûteux en termes de santé
publique.
5 – Libéralisation, ouverture à la
concurrence vs déréglementation
Ce tour d’horizon pose en
filigrane la question de la désirabilité en elle-même de l’intensification du
degré de concurrence dans telle ou telle branche, comme l’illustrent les débats
actuels autour de la Loi Macron. Il ne faut pas oublier que souvent les
réglementations jouent le rôle de barrières à l’entrée sur un marché donné et
profitent in fine plus aux entreprises réglementées qu’au consommateur
lui-même.
a) Barrières
à la concurrence et rentes illégitimes
La réglementation en protégeant
certaines activités de la concurrence crée des rentes de situations qui
induisent un coût réel pour la compétitivité de notre économie en augmentant un
dualisme extrêmement préjudiciable entre un secteur protégé dans lequel les
niveaux réels de prix croissent depuis de nombreuses années et un secteur
ouvert à la concurrence internationale où les prix sont structurellement
orientés à la baisse et pour lequel la compétitivité est érodée par le coût des
intrants issus de ce secteur protégé. De la même façon, la réglementation – par
exemple des barrières à l’entrée de type numerus
clausus ou autorisation administrative d’installation – sera d’autant plus
défendue face à l’ouverture à la concurrence que les gains qu’elle produit sont
concentrés sur quelques acteurs et les coûts qu’elle induit étalés sur
l’ensemble de l’économie.
Pour autant, l’option d’une
ouverture pure et simple à la concurrence doit être envisagée avec précaution.
-
La
question des coûts échoués
Il convient tout d’abord de
considérer que les professionnels qui ont investi font face à une problématique
de coûts échoués. En d’autres termes, les entrepreneurs qui ont engagé des
fonds pour rentrer sur le marché sous l’empire de la précédente réglementation
perdraient une part significative de leurs investissements si le marché était
brusquement ouvert sans condition (songeons aux licences pour les taxis). Une
compensation (de type rachat de licence) pourrait alors être nécessaire alors
qu’elle serait excessivement coûteuse pour les budgets publics. Notons que
cette disposition est prévue dans la loi Macron pour les notaires mais induit
des risques en termes de barrières à l’entrée et d’incitations à la mise en
œuvre de pratiques collusives ex post.
-
L’augmentation
du nombre des offreurs fait-elle inexorablement baisser les prix ?
Ensuite, il n’est pas acquis que
l’augmentation du nombre de firmes présentes sur un marché donné se traduise
inexorablement par une baisse des prix. Par exemple, la libéralisation des
conditions d’exercice de la profession d’avocat en Angleterre et au Pays de
Galles s’est certes traduite par l’augmentation spectaculaire du nombre de
professionnels mais n’a pas induit une baisse significative des prix pour le
consommateur. Les nouveaux entrants peuvent en effet aligner leurs prix sur les
professionnels déjà installés.
En d’autres termes, l’augmentation
du nombre d’offreurs n’a pas toujours pour conséquence un gain pour le
consommateur en termes de prix. Si les firmes ne se livrent pas une guerre des
prix et si elles ajustent leurs conditions tarifaires sur une firme
« barométrique » ou un « chef d’orchestre » alors les gains
peuvent demeurer illusoires. Un nouvel entrant qui vient de consentir de lourds
investissements peut avoir un avantage direct à une stabilité des prix, pour
rembourser ses emprunts. Il n’adoptera un comportement de franc-tireur (ou de maverick selon la dénomination
britannique que si et seulement si sa structure de coût est significativement
différente de celle des firmes installées).
De façon plus générale, la
littérature économique ne fournit pas de lien univoque entre nombre de firmes
sur un marché donné, intensité de la concurrence et baisse des prix pour le
consommateur. Des marchés avec un seul acteur peuvent se caractériser par des
prix de concurrence parfaite s’il n’existe pas de barrières à l’entrée. Il
s’agit ici de la théorie des marchés contestables. Des marchés avec de nombreux
concurrents peuvent se caractériser par des prix stables et élevés si les
similitudes entre les firmes (en termes de produits, de coûts de production,
etc….) les amènent à prendre conscience de leur interdépendance et à réaliser
qu’une baisse des prix individuelle sera suivie par tous et n’aura pas d’impact
sur les parts de marché relatives. Il s’agit en l’espèce d’une situation de
collusion tacite ou de position dominante collective. Il n’y a pas d’entente
anticoncurrentielle au sens formel du terme mais les firmes ont un intérêt au statu quo.
-
Excès
d’offre et dommages au consommateur
Enfin, une politique qui
conduirait à encourager les entrées dans une branche donnée peut avoir des effets
négatifs pour les firmes présentes mais aussi pour les consommateurs. Une
concurrence peut être destructrice (on parlait dans l’entre-deux-guerres de
concurrence coupe-gorge) si elle conduit à un excès d’offre. Si les firmes
n’arrivent pas à amortir leurs coûts fixes, il peut s’ensuivre une baisse des
prix réelle (il est préférable d’opérer même à perte si l’on couvre ses coûts
variables et au moins une partie de ses coûts d’infrastructures). Celle-ci
n’est cependant pas viable sur le long terme dans la mesure où elle se soldera
par des restructurations industrielles. Sans aller jusqu’à cet extrême nous
avons déjà noté qu’un renforcement de la concurrence peut avoir pour effet de
priver les firmes des capacités à investir dans la mesure où les incertitudes
sur les possibilités de valorisation future des investissements réalisés sont
plus fortes. A ce titre, des barrières à l’entrée liées à la réglementation
peuvent permettre aux firmes de bénéficier d’une visibilité de long terme
suffisante pour engager des investissements et de prix suffisamment rigides
pour permettre un accès aux financements.
Au final, la concurrence
bénéficie sur le principe au consommateur et à l’économie. Cependant, celle-ci
ne doit pas être saisie comme un dogme mais doit voir ses effets évalués avec
pragmatisme. Elle ne doit pas par exemple conduire à une concentration
excessive de l’offre qui irait au détriment des intérêts de long terme du
consommateur. De la même façon, une ouverture à la concurrence de certains
marchés réglementés doit voir ses effets évalués avec le plus grand soin en
tenant compte des impacts possibles sur la qualité des services et sur le tissu
industriel concerné.
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