Une contribution sur l'impact de la convergence des normes comptables publiques vers des standards privés s'attachant au cas des politiques de gestion active de la dette (problématique des "emprunts toxiques" des collectivités territoriales) et des contrats de partenariat public-privé (question de la reconnaissance de ces derniers - et de la dette associée - dans les comptes de la collectivité concernée).
« De la convergence des
normes comptables publiques vers des référentiels privés » in Bessy
C., Delpeuch T. et Pélisse J. (eds.), Droit et régulations des
activités économiques : perspectives sociologiques et institutionnalistes,
LGDJ, collection Droit et Société - Recherches et Travaux, vol.24, 2011,
pp.281-292.
La contribution part du principe que les règles de droit comptable et budgétaire publiques ne doivent pas être tenues
comme neutres en matière de conception de l’action publique elle-même. Ce
faisant, les instruments de gestion publique qui en
découlent ne doivent pas être seulement analysés au strict point de vue
technique mais aussi considérés sur la base de leurs effets sur le réel. L’information comptable et budgétaire publique
ne décrit pas seulement les flux financiers et les décisions liés à l’action
publique, elle produit des effets sur cette dernière en construisant une
certaine interprétation de la réalité, en structurant les cadres de pensée des
acteurs et en produisant, ce faisant, des structures incitatives qui vont participer
à la définition de leurs comportements.
Dans
le même temps, les acteurs ne peuvent être tenus comme des récipiendaires
passifs des règles. D’éventuelles imprécisions ou insuffisances peuvent
susciter des stratégies opportunistes de leur part. Les règles comptables et
budgétaires publiques qui ont précédé la LOLF offraient de larges prises à des
stratégies opportunistes de dissimulation d’engagements de long terme, qu’il
s’agisse d’engagements liés à des contrats pluriannuels de type PPP ou à des
risques « hors bilan » liés aux politiques actives de gestion de la
dette publique, notamment au travers du recours à des produits financiers
structurés.
Les nouvelles règles comptables et budgétaires de l’Etat devraient répondre à
ces enjeux en instaurant une comptabilité d’engagements aux côtés de la
comptabilité de caisse publique traditionnelle. Cependant, non
seulement leur efficacité même est questionnable (des engagements conditionnels
demeurant en annexe des comptes) mais elles risquent en outre d’orienter l’action
publique elle-même du fait du caractère performatif des règles de droit en
général et des règles comptables en particulier.
Une
telle évolution peut également se traduire par un changement dans l’ordre de
priorité implicite défini entre les différentes parties prenantes de l’action
publique. En effet, toute évolution des règles de droit comptable et budgétaire
public peut impliquer une inflexion de l’information fournie en faveur des
attentes et des besoins de l’une ou l’autre d’entre elles. Une convergence vers
les règles de droit comptable privé peut être analysée sous l’angle de la
montée en puissance du poids relatif des marchés financiers dans les parties
prenantes à l’information comptable publique. L’accent se déplace des besoins
du Parlement, axés sur la régularité juridique de la consommation des
ressources vers ceux des marchés, polarisés sur l’évaluation de la solvabilité
de l’emprunteur .
(Public sector accrual accounting : debt management and PPP off-blaance sheet strategies - is the convergence towards private norms a solution?)