Participation à la table ronde organisée dans le cadre des matinales économiques de la Maison de la Métropole Nice Côte d'Azur le 12 mars 2015 dans le cadre du MIPIM 2015 sur le thème : La concurrence sert-elle toujours les intérêts des consommateurs?"
Infra, le lien vers l'article de France Soir
http://www.francesoir.fr/societe-economie/christian-estrosi-reaffirme-son-opposition-la-privatisation-de-laeroport-de-nice
Voir également ci-dessous la trame de mon intervention
La concurrence sert-elle toujours les intérêts des consommateurs ?
Matinale Economique de la Maison de
la Métropole Nice Côte d’Azur
Collectivités territoriales et renforcement de la gouvernance
concurrentielle des activités économiques
Quels effets potentiels ? Une revue de littérature économique
Frédéric Marty
CNRS – Groupe de Recherche en Droit,
Economie et Gestion
UMR CNRS 7321 – Université Nice
Sophia Antipolis
Dans le contexte de la discussion de
la Loi Macron, cette intervention vise à présenter quels peuvent être les gains
et les risques attachés au renforcement de la concurrence et à l’extension des
domaines régis par les règles de concurrence pour les collectivités
territoriales.
Elle se structure en quatre parties.
Une première traite directement des
contrats et des activités économiques des collectivités elles-mêmes. Elle
montre les gains potentiels qu’il est possible d’attendre de l’intensification
de la concurrence pour le marché dans le cas des marchés publics et des
contrats de délégation de service public, d’une mise en concurrence de
prestations jusqu’ici réalisées en régie et enfin de l’introduction de montages
partenariaux public-privé.
Une deuxième partie s’attache des
gains que peuvent directement ou indirectement tirer les collectivités d’un
renforcement du degré de concurrence dans des domaines qui correspondent à
leurs champs d’interventions économiques. Le secteur des transports est le premier
considéré qu’il s’agisse du transport aérien, ferroviaire ou du transport
routier de voyageurs par autocar. L’immobilier commercial est le second domaine
pour lequel les gains potentiels d’une concurrence renforcée sont considérés.
Une troisième partie met cependant en
exergue les risques et les coûts indirects que peut représenter un renforcement
de la gouvernance concurrentielle pour les collectivités territoriales et pour
leurs administrés. Quatre domaines sont successivement considérés. Le premier
tient aux conséquences potentielles d’une ouverture à la concurrence excessive
de certains secteurs se traduisant par un excès d’offre et le risque de
développement d’une concurrence destructrice de type coupe-gorge. Le deuxième
illustre les risques d’écrémage du marché et de report de charges
additionnelles sur les collectivités dans certains domaines tels les transports.
Le troisième illustre les contraintes qui peuvent découler des règles de
concurrence pour les collectivités dans le cadre de leurs interventions
économiques (encadrement des aides publiques, risques de poursuites sur la base
de l’article 102 du Traité,…). Le quatrième enfin se base sur le cas du
transport aérien pour montrer de quelle façon une libéralisation et une
intensification de la concurrence peuvent sous certaines conditions générer des
processus de type concurrence fiscale dans lesquels ce sont les collectivités
elles-mêmes qui sont mises en concurrence par les acteurs économiques.
1.
Les avantages théoriques de la
concurrence pour les collectivités publiques : Marchés publics,
concessions et PPP
La politique de concurrence joue a priori favorablement pour les
décideurs économiques locaux en permettant d’accéder à des offres plus
diversifiées, de meilleure qualité et dont les prix sont les plus proches
possibles des coûts.
i.
Cas des marchés publics
-
Prévenir
le monopole bilatéral
-
Limiter
les risques de collusion
ii.
Cas des concessions
-
Offres
et services innovants si pression concurrentielle
-
Minimisation
de la demande de subvention d’exploitation
- Discipline
le concessionnaire dans les demandes de renégociations, approche coopérative si
anticipation remise en concurrence
iii.
Faut-il mettre en concurrence des services exploités en régie ?
-
Gain
incitatif à l’efficacité productive si gestion de certains services sous la
forme de contrats à prix forfaitaire et non à remboursement de coûts
-
Une
firme privée régulée sous la forme d’une régulation à remboursement de coûts ne
fera pas mieux qu’un service en régie
-
Cependant,
la régulation par prix plafond, si elle est la plus efficace pose certains
problèmes
o
Rentes
excessives et risques de non acceptation sociale
o
Risques
de capture
-
Au
final, le régime de propriété importe peu, ce qui compte c’est l’aiguillon
concurrentiel et la mise en place de règles de gouvernement d’entreprise
iv.
L’intérêt de la concurrence pour une offre performante de services
publics – applications aux PPP
-
Logique
du nouveau management public : de l’Etat producteur à l’Etat régulateur
-
Peu
importe qui réalise le service : logique axée sur les outcomes
-
Deux
niveaux d’interrogations pour le décideur public
o
Niveau
stratégique : quelles sont les finalités du service rendu et quelles sont
les attentes des usagers ?
o
Niveau
opérationnel : quel doit être le mode de réalisation ? Interne ou
confié à un tiers ?
§ Les paramètres ne se limitent pas au
prix
·
Accessibilité
au service
·
Expertise
additionnelle, capacité à intégrer des innovations (techniques mais aussi
association des parties prenantes, open data,…)
·
Garantie
en termes de redevabilité
·
Garanties
en termes de continuité du service
-
Intérêt
de déléguer certains services au privé (d’un Etat provider à un Etat brocker)
mais en jouant sur les incitations concurrentielles
-
Mise
en concurrence dans le cadre de contrats de PPP
o
Rôle
de la concurrence pour le marché
o
Renforcer
la concurrence dans le marché
§ Procédures de market testing (PFI)
§ Contrats de moindre périmètres ou de
moindre durée (PF2)
o
Les
firmes ont un intérêt réel à se faire concurrence sur des dimensions hors prix
(car marges faibles) – gain pour les usagers
2.
Les gains liés à la
concurrence : quelques études de cas
i – Transport aérien
-
La
libéralisation du secteur permet le développement des LCC (part de marché >
celle des opérateurs historiques au sein de l’UE)
o
Gain
pour les consommateurs (prix)
o
Gain
pour les gestionnaires d’aéroports (connectivité, attractivité du territoire)
o
Possibilités
plus grande de soutien au lancement et à l’exploitation de nouvelles dessertes
(lignes directrices UE février 2014)
o
Nouveau
business model pour les aéroports (logique biface)
ii – Transport
ferroviaire
-
Réduction
du coût du soutien public aux liaisons régionales si ouverture à la concurrence
et amélioration du service ?
iii- Transport de
passagers par bus
-
Ouverture
du marché interurbain avec la Loi Macron
o
Précédents
britanniques et allemands (1985 et 2013) : baisse des prix, nouvelles
dessertes
o
Evaluation
de la Commission d’étude des effets de loi pour la croissance et l’activité de
France Stratégie, présidée par Anne Perrot
-
Renforcement
de la concurrence pour les lignes urbaines
o
Cas
londonien : des concessions avec des périmètres plus faibles et des durées
moindres induisant de fortes baisses de coûts
- argument en faveur du renforcement de la concurrence par la réduction des
barrières à l’entrée et par l’allotissement.
iv – immobilier
commercial
-
Barrières
à l’entrée via les Commissions départementales d’urbanisme commercial (puis les
commissions départementales d’équipement) : le malthusianisme conduit à
des hausses de prix, à des
niveaux de marge élevés et à un moindre niveau d’emploi (confirmation via les
cas italiens ou britanniques).
-
Renforcer
les attributions de l’AdlC – rôle d’Advocacy
lui permettant de se prononcer sur les documents d’urbanisme commercial et
possibilité de prononcer des injonctions structurelles là où le marché est
concentré et/ou les prix élevés.
o
Limiter
les barrières à l’entrée
o
Jouer
sur les structures de marché pour renforcer l’intensité concurrentielle
3.
Les limites de la concurrence ?
-
Quel
effets non désirés possibles ?
o
effet
adverses sur la qualité du service,
o
effets
négatifs sur les incitations à l’investissement et à l’innovation
o
hausse
potentielle des prix à terme
o
réduction
des marges de manœuvre pour la politique de développement économique menée par
les collectivités locales
i – nombre excessif
d’opérateurs et concurrence coupe-gorge
-
Si
la réglementation génère des flux d’entrées excessifs
o
Problèmes
de coûts échoués pour les professionnels qui ont déjà investis (cf.
problématique des taxis)
o
Risque
d’un excès d’offre : guerre des prix au détriment de la qualité et / ou de
la sécurité à risque d’antisélection (market
for lemons)
o
Incapacité
des firmes à engager des investissements
o
A
terme consolidation du marché au détriment du consommateur
-
Tous
les types d’entrées ne se valent pas en termes de retombées
o
Exemple
de l’urbanisme commercial : moindre impact quand hard discount
ou impact de court terme pour certains opérateurs.
-
Peut-on
construire des marchés concurrentiels ?
o
Doutes
possibles sur les remèdes structurels quand la problématique est celle des
rapports de forces dans les négociations commerciale (problématique en amont et
remède en aval)
ii – stratégies
d’écrémage du marché
-
Les
nouveaux entrants se concentrent sur les segments profitables
-
Abandon
des segments peu lucratifs aux opérateurs historiques
-
Augmentation
du montant de subvention nécessaire : coût des fonds publics et limitation
des capacités d’engagements budgétaires des collectivités locales
iii – coûts et
contraintes de la concurrence
-
Coûts
de transaction liés aux mises en concurrence (exemple de l’indemnisation des
participants aux dialogues compétitifs dans les PPP)
-
Limitation
des marges de manœuvre des collectivités
o
Encadrement
des aides publiques
§ Entrave aux stratégies de
développement local
§ Mise en péril des firmes en cas
d’exigence de remboursement de mesures qualifiées ex post d’aides
o
Entraves
liées à l’article 102 (abus de position dominante)
§ Cas des pépinières d’entreprise
(action de firmes spécialisées dans l’hébergement d’entreprises)
iv- Les risques d’une libéralisation excessive
-
Cas
des LCC : a priori gain pour les
consommateurs et les territoires mais phénomènes de mise en concurrence des
aéroports
-
Dynamique
possible de concurrence fiscale collectivement sous-optimale
-
Cantonnement
de la politique aéroportuaire à une compétitivité prix (les clients de la LCC
seraient les aéroports et non les passagers) or un aéroport n’est pas seulement
un acteur de marché mais participe d’une politique publique locale visant à
créer une valeur sociale de long terme – un avantage compétitif pérenne ne
reposant pas sur les seuls coûts (de nature à verrouiller les décisions de
localisation des firmes)
4.
Conclusion
Approche
raisonnée de la concurrence (non pas un modèle de concurrence régulée mais
éviter que la loi ne crée une concurrence excessive et donc destructrice)
o
« concurrence
autant que possible, Etat autant que nécessaire »
o
Prévenir
les effets non désirés de la concurrence
§ Exemple : évolution du rôle de
l’ARAF avec la Loi Macron
-
Préserver
les marges de manœuvre des politiques publiques et des leviers de commande –
même si une entité a des activités relevant du champ économique, les retombées
sur le territoire peuvent justifier un contrôle public