jeudi 31 janvier 2013

Garanties publiques dans les contrats de PPP et structure incitative


Incitations et garanties dans les contrats de PPP

Quelques éléments sur l'impact des garanties publiques et du plafonnement des clauses de pénalités sur le caractère incitatif des contrats de partenariats public-privé

La principale limite au recours aux PPP tient au surcoût du financement privé par rapport au financement public. Par exemple, en 2011, sous l’impact de la crise financière, le recours aux PFI se traduisait par un taux moyen sur la dette projet de 8% soit près de deux fois le taux sans risque (i.e. celui de la dette souveraine britannique). Ce faisant, le coût pour le contribuable d’un milliard de £ financé sous forme de PFI revenait in fine aussi cher que 1,7 milliard de dette publique (House of Commons Select Treasury Committee, 2011). Le surcoût du financement privé pouvait être relativement aisément maîtrisé avant la crise (ramené en moyenne à 70 bp) en jouant sur l’effet de levier financier entre dettes et fonds propres et  en recourant à des instruments financiers permettant de garantir le paiement de la dette souscrite par la société projet. En effet, la dette n’est pas directement levée par les sponsors qui ont formé le consortium qui a répondu à l’appel d’offres mais par une société ad hoc créée pour l’occasion et qui n’a pas vocation à avoir d’autres activités que celle relative au contrat de PPP en question. Il s’agit donc d’un montage de financement sur projet dit sans recours. Les prêteurs n’ont d’autre garantie pour leur remboursement que les flux de ressources dégagés par le contrat.
Ainsi, le risque joue-t-il un rôle déterminant dans l’économie du contrat de PPP. Son transfert est la condition sine qua non pour satisfaire au critère de la value for money et dans le même temps plus forte est la part des risques transférée au privé, plus forte sera la prime de risque exigée des prêteurs et donc plus élevé sera le coût du financement. Nous observons donc un relatif antagonisme entre les deux objectifs de value for money et d’affordability. La réussite du contrat de partenariat passe donc par l’allocation optimale des risques entre les deux parties en d’autres termes par l’allocation de chaque risque à la partie qui est la plus à même de le gérer au moindre coût.
Ce risque peut être découpé entre risque spécifique au projet et risque systémique.
Le risque projet fait l’objet d’une évaluation par les prêteurs au travers du processus de due dilligence. Le risque supporté sera d’autant plus jugé élevé que la prestation du contrat met en jeu des solutions techniques innovantes, mobilise des investissements significatifs (cas des projets de construction)… et que le contrat se comporte comme un contrat à prix forfaitaire. Il s’agit en effet de considérer que si l’acquisition et la gestion publique traditionnelles se comportent comme des contrats à remboursements de coûts (peu risqués et faiblement incitatifs), la formule de prix ferme associée au PPP fait de lui un contrat de type forfaitaire, suscitant bien plus d’incitations à l’efficacité et à la réduction des coûts mais faisant courir bien plus de risques pour le prestataire privé (Laffont et Tirole, 1993). L’objet du contrat de PPP n’est pas de compenser les coûts du prestataire et de lui garantir une marge raisonnable sur les capitaux investis mais d’offrir à la personne publique les avantages d’un paiement relativement stable et prévisible dans le temps (modulo les indispensables renégociations tenant à l’incomplétude du contrat, voir Beuve et al., 2011). Le prestataire privé fait donc face à deux types de risques quant au remboursement de sa dette. Un premier tient à l’absorption des chocs financiers liés aux retards dans la mise en service (si on suppose que les paiements sont déclenchés à ce moment) et aux éventuels surcoûts de construction et d’exploitation. Plus les risques transférés sont nombreux plus la probabilité de tels chocs est importante. Un second type de risque tient au caractère incitatif même des clauses contractuelles. Plus le contrat prévoit des clauses de pénalités s’élevant à une part significative des flux de paiements de la personne publique (et plus les risques transférés sont considérés comme ayant une forte probabilité d’occurrence, plus la personne publique est crédible quant à ses possibilités d’activer effectivement les clauses en question), plus forte sera l’appréhension du risque de défaut de la société projet et donc la prime de risque exigée par les prêteurs.
Le second ensemble de facteur affectant le surcoût du financement privé est relié au risque systémique. Plus l’aversion au risque des prêteurs est forte, moins les marchés sont liquides (et plus les ratios de solvabilité financière induisent un renchérissement du coût des ressources bancaires), plus le surcoût du financement privé vis-à-vis de la dette publique sera fort. C’est pour cela que le surcoût de la dette projet dans les PPP vis-à-vis de la dette publique a pu atteindre 250 bp dans le cas français (Dupas et al., 2012) voire conduire à un coût deux fois supérieur comme noté par le House of Commons Treasury Select Committee (2011).
Si la personne publique souhaite continuer à employer des PPP, le risque est qu’un transfert de risque de même ampleur que précédemment se paie par un coût financier significativement plus élevé de nature à mettre en péril la soutenabilité budgétaire des engagements pris (affordability). Une première réponse peut être apportée dans des transformations opérées dans la nature même des projets de PPP financés. Des montages pour lesquels les ressources viennent des usagers peuvent s’effacer au profit de montages dans lesquels les paiements sont déterminés en fonction de la disponibilité du service (cas de nombreux tronçons d’autoroutes dans la péninsule ibérique). Les projets peuvent voir leur périmètre redéfini pour nécessiter de moindres investissements initiaux et /ou des durées de financement plus réduites (Cuttaree et Mandri-Perrot, 2010). Enfin, si nous prenions le secteur de l’immobilier, les contrats de construction / exploitation cèdent de plus en plus le pas à des contrats de rénovation / maintenance et exploitation, comme le montrent les contrats de performance énergétique (Chong et al., 2012). En d’autres termes, les contrats de type greenfield projects se voient substituer des montages de type brownfield projects.
Cependant ces mesures de réduction du risque d’incident de paiement sur le remboursement de la dette de la société projet peuvent être complétées par des aménagements apportés aux clauses contractuelles par rapport à celles appliquées dans les contrats avant crise. Cela peut par exemple passer par la limitation sinon le plafonnement des pénalités financières prévues dans le contrat en cas de sous performance. L’objectif en limitant ces dernières est de garantir aux prêteurs que la société disposera toujours de suffisamment de ressources tirées de son exploitation pour faire face au service de sa dette. Si le risque de défaut est drastiquement limité sinon annulé alors la prime de risque exigée s’abaissera considérablement –potentiellement à celle correspondant au niveau de la note de crédit de la collectivité concernée – limitant ipso facto le surcoût du financement privé. Cependant, la qualité de la structure incitative produite par le contrat en est d’autant affectée.
Cependant, l’effet incitatif du contrat peut être affecté par d’autres moyens que celui du plafonnement du montant des pénalités. Il suffit que la personne publique apporte des garanties quant au service de la dette ou sur un montant de revenu minimal assuré à la société projet. L’effet pour les préteurs sera identiquement de réduire la prime de risque exigée. En effet, peu leur importe que cela soit la société projet ou une entité publique qui garantisse le remboursement des prêts accordés. La prime de risque exigée sera réduite et donc le surcoût du financement privé limité. Cependant la personne publique fait face à un ensemble de difficultés susceptibles de mettre en cause l’efficacité microéconomique du contrat de PPP.
Premièrement le montage n’est plus un montage sans recours. Les sponsors privés apportent de plus en plus leur garantie et le contractant public fait de même. Ce faisant, l’alignement contractuel des intérêts entre financeurs et contractant public n’est plus acquis. Précédemment, la société projet n’était en mesure de faire face au service de sa dette que si et seulement si elle parvenait à satisfaire à ses obligations contractuelles. Les financeurs étaient d’autant plus incités à s’assurer du réalisme des engagements pris par celle-ci (anti-sélection) et de ses efforts tout au long de l’exploitation (aléa moral) que le remboursement des emprunts souscrits en dépendait. Ainsi, la personne publique pouvait-elle dans une certaine mesure externaliser les coûts de due dilligence et de monitoring sur les financeurs (Marty et Voisin, 2008).
Deuxièmement, si une garantie est fournie sur le remboursement de la dette, le contrat de PPP s’éloigne de l’idéal du contrat à prix forfaitaire et se rapproche au moins partiellement de la logique d’un contrat à remboursement de coûts dont les qualités incitatives sont naturellement plus faibles.
Troisièmement, ce type de garanties (auquel on pourrait ajouter les cessions de créances acceptées de type Dailly) est de nature à vider de leur sens – et donc à annuler l’effet incitatif – de toutes les clauses de pénalités. En effet, même si ces clauses sont déplafonnées, même si elles s’avèrent équivalentes voire plus drastiques que celles appliquées avant la crise, elles n’auront aucun effet incitatif effectif si le contractant privé jouit d’une certitude quant à un niveau donné de rémunération ou quant à sa capacité de faire face à ses échéances de remboursements et ce quelles que soient ses performances effectives. Le contractant privé à l’abri du risque de faillite n’est pas plus incité à faire preuve d’efficacité que son homologue public (modulo bien entendu le coût réputationnel encouru) dès lors qu’il fait face à une contrainte budgétaire molle (Kornaï et al., 2003).


Beuve J., de Brux J. and Saussier S., (2011), « Renegotiations and Contract Renewals in Public Private Agreements. An Empirical Analysis, EPPP Discussion Papers, n°2011-04, September, 35p.
Chong E., Le Lannier A. et Staropoli C., (2012), Les conditions d’efficacité des contrats de performance énergétique en France, Rapport pour le Conseil Français de l’Energie, juillet, 212p.
Cuttaree V. and Mandri-Perrott C., (2010), Public-Private Partnerships in Europe and Central Asia – Designing Crisis-Resilient Strategies and Bankable Projects, World Bank, 140p.
Dupas N., Gaubert A., Marty F. et Voisin A., (2012), « D’une crise à l’autre : quels enseignements de la crise de 2008 pour les partenariats public-privé ? », Gestion et Finances Publiques, n°1, janvier, pp.51-59.
House of Commons Treasury Select Committee, (2011), Private Finance Initiative, 17th Report, Session 2010-12, HC 1146, August.
Kornai J., Maskin E. et Roland G,. (2003), “Understanding the Soft Budget Constraint”, Journal of Economic Literature, volume 41, pp. 1095-1136.
Laffont J.-J. and Tirole J., (1993), A Theory of Incentives in Procurement and Regulation, MIT Press.
Marty F. and Voisin A., (2008), “Partnership contracts and information asymmetries: from competition for the contract to competition within the contract?”, Document de travail OFCE, n° 2008-06, février, 29p.


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