vendredi 2 décembre 2011

Convergence comptable public-privé, emprunts toxiques et partenariats public-privé


Une contribution sur l'impact de la convergence des normes comptables publiques vers des standards privés s'attachant au cas des politiques de gestion active de la dette (problématique des "emprunts toxiques" des collectivités territoriales) et des contrats de partenariat public-privé (question de la reconnaissance de ces derniers - et de la dette associée - dans les comptes de la collectivité concernée).

« De la convergence des normes comptables publiques vers des référentiels privés » in Bessy C., Delpeuch  T. et Pélisse J. (eds.), Droit et régulations des activités économiques : perspectives sociologiques et institutionnalistes, LGDJ, collection Droit et Société - Recherches et Travaux, vol.24, 2011, pp.281-292.


La contribution part du principe que les règles de droit comptable et budgétaire publiques ne doivent pas être tenues comme neutres en matière de conception de l’action publique elle-même. Ce faisant, les instruments de gestion publique qui en découlent ne doivent pas être seulement analysés au strict point de vue technique mais aussi considérés sur la base de leurs effets sur le réel. L’information comptable et budgétaire publique ne décrit pas seulement les flux financiers et les décisions liés à l’action publique, elle produit des effets sur cette dernière en construisant une certaine interprétation de la réalité, en structurant les cadres de pensée des acteurs et en produisant, ce faisant, des structures incitatives qui vont participer à la définition de leurs comportements.
Dans le même temps, les acteurs ne peuvent être tenus comme des récipiendaires passifs des règles. D’éventuelles imprécisions ou insuffisances peuvent susciter des stratégies opportunistes de leur part. Les règles comptables et budgétaires publiques qui ont précédé la LOLF offraient de larges prises à des stratégies opportunistes de dissimulation d’engagements de long terme, qu’il s’agisse d’engagements liés à des contrats pluriannuels de type PPP ou à des risques « hors bilan » liés aux politiques actives de gestion de la dette publique, notamment au travers du recours à des produits financiers structurés[1]. Les nouvelles règles comptables et budgétaires de l’Etat devraient répondre à ces enjeux en instaurant une comptabilité d’engagements aux côtés de la comptabilité de caisse publique traditionnelle. Cependant, non seulement leur efficacité même est questionnable (des engagements conditionnels demeurant en annexe des comptes) mais elles risquent en outre d’orienter l’action publique elle-même du fait du caractère performatif des règles de droit en général et des règles comptables en particulier.
Une telle évolution peut également se traduire par un changement dans l’ordre de priorité implicite défini entre les différentes parties prenantes de l’action publique. En effet, toute évolution des règles de droit comptable et budgétaire public peut impliquer une inflexion de l’information fournie en faveur des attentes et des besoins de l’une ou l’autre d’entre elles. Une convergence vers les règles de droit comptable privé peut être analysée sous l’angle de la montée en puissance du poids relatif des marchés financiers dans les parties prenantes à l’information comptable publique. L’accent se déplace des besoins du Parlement, axés sur la régularité juridique de la consommation des ressources vers ceux des marchés, polarisés sur l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur .

(Public sector accrual accounting : debt management and PPP off-blaance sheet strategies  -  is the convergence towards private norms a solution?)


[1] Il s’agit d’opérations financières combinant un prêt avec un produit dérivé, par exemple un contrat d’échange de taux ou devise (swap) susceptible de venir alléger – si ce n’est annuler – l’impact financier de l’opération d’emprunt… au moins à court terme.

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